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Circularisation des fournisseurs : deux mondes, deux approches

Circularisation des fournisseurs

Bertrand Dargaisse

6 février 2024

6 minutes de lecture

Selon le contexte et les acteurs qui mènent une opération de circularisation des fournisseurs, cette démarche ne répond pas aux mêmes objectifs. Les commissaires aux comptes sont susceptibles d’y avoir recours dans le cadre de leurs travaux de certifications des comptes et cherchent alors à vérifier que la comptabilité qui leur est présentée est bien exacte. Les spécialistes du Profit Recovery proposent également des circularisations de fournisseurs, mais avec pour objectif de repérer des anomalies synonymes de montants à récupérer pour leurs clients. Les méthodes, les résultats et les implications de ces deux approches ne sont pas les mêmes.


Un même terme peut désigner des réalités bien différentes. La circularisation en est une parfaite illustration. L’opération désigne toujours le fait de recourir à une source extérieure pour infirmer ou confirmer une information dont on dispose ou pour en récolter une qui nous manque. Mais la démarche est très différente selon ses initiateurs.

La plus connue est la circularisation menée par les commissaires aux comptes (CAC). Elle est pour eux une procédure d’audit parmi d’autres, qu’ils utilisent dans le cadre de leur mandat de certification des comptes d’une entreprise. Encadrée par des normes d’exercice professionnel, elle consiste à demander des informations à des tiers – banques, clients, fournisseurs, avocats – pour confirmer des soldes comptables ou s’assurer de l’existence et de la bonne évaluation des éléments figurant au passif et à l’actif de l’entreprise.

La circularisation peut aussi être utilisée dans le cadre du Profit Recovery, qui permet aux entreprises mandantes de récupérer du cash et d’évaluer la qualité de leurs processus comptables. Cette solution fait partie des services, renforcés par la technologie, proposés par des acteurs que l’on nomme tech-enabled services. L’association d’experts aux connaissances spécialisées à une technologie de pointe leur permet, dans le cas de la circularisation, de comparer exhaustivement les données comptables d’une entreprise avec celles de ses fournisseurs, afin d’identifier des écarts en sa faveur.

Bien que portant le même nom, ces deux approches sont en réalité bien différentes. Dans cet article, nous revenons en détail sur ce qui les lie et ce qui les distingue.


La circularisation : une démarche aux intérêts multiples

Le principe de la circularisation, à savoir le fait de recourir à des tiers pour obtenir ou confirmer des informations, présente un double avantage.

Cela permet tout d’abord une validation très puissante des informations concernées. « On considère que la confirmation par un tiers est la preuve d’audit la plus forte », souligne Margaux Benoît, Manager Mission chez Runview et ancienne commissaire aux comptes. Dans une optique de contrôle, les éléments apportés ou confirmés par des tiers sont ainsi perçus comme plus fiables que ceux d’origine interne.

Ensuite, le fait d’interroger des sources externes permet de recueillir des informations qui ne sont parfois tout simplement pas disponibles en interne, comme des avoirs non-transmis.

La circularisation repose donc sur la comparaison et la vérification de la concordance entre les données fournies par les tiers et celles présentes dans les comptes de l’entreprise. C’est une méthode très efficace pour éprouver la qualité des processus comptable et la conformité de la comptabilité. Appliquée à la comptabilité fournisseurs, la démarche permet aussi la détection et la récupération de montants issus d’avoirs non comptabilisés ou de trop-payés.


Des objectifs distincts

Selon qu’elle soit réalisée par un commissaire aux comptes ou lors d’une mission de Profit Recovery, la circularisation ne répond pas aux mêmes objectifs.

Le commissaire aux comptes cherche à vérifier l’exhaustivité, la sincérité et la régularité des comptes de l’entreprise. La circularisation est une technique de contrôle parmi d’autres, qu’il applique systématiquement avec les banques mais pas toujours avec les fournisseurs. La démarche est en effet intéressante pour la fiabilité des confirmations qu’elle permet d’obtenir, mais difficile à mettre en œuvre, pour des résultats très variables. Le CAC évalue donc la pertinence d’y recourir au regard du risque qu’il a associé au dossier.

Dans le cadre du Profit Recovery, les tech-enabled services envisagent la circularisation comme un axe d’analyse, complémentaire d’autres méthodes comme le data-mining des données comptables, qui permet d’identifier des doubles paiements et de la TVA déductible omise dans la comptabilité fournisseurs. Cet axe d’analyse permet de se procurer des informations difficiles à obtenir autrement avec l’objectif de déceler des anomalies synonymes de cash à récupérer pour l’entreprise.


Des différences de méthodologie

Pour parvenir à leurs objectifs respectifs, les commissaires aux comptes et les spécialistes du Profit Recovery ont chacun leur propre méthodologie.

Pour commencer, la sélection des fournisseurs circularisés ne s’effectue pas de la même manière. Le CAC décide de l’étendue de la circularisation à mener en fonction de son évaluation des risques. Si l’entreprise qui l’a mandaté s’oppose à la circularisation d’un fournisseur, elle doit pouvoir le justifier et il en tiendra compte pour la suite des investigations et dans son rapport. Les tech-enabled services, elles, s’appuient sur la technologie pour choisir les fournisseurs pertinents. « La sélection se base sur des analyses statistiques des données comptables de notre client. Le choix va tenir compte des volumes d’achats, du nombre de factures, du nombre d’avoirs déjà présents par exemple », illustre Bertrand Dargaisse, Directeur Recouvrement et Circularisation chez Runview. L’expérience des équipes jouent aussi pour intégrer à la liste les fournisseurs des secteurs les plus porteurs d’anomalies et qui génèrent des résultats de manière récurrente. Cette liste peut concerner jusqu’à plusieurs centaines de fournisseurs, et l’entreprise mandante en garde le contrôle durant toute la durée de la prestation.

La sollicitation des fournisseurs ne prend pas non plus la même forme. Dans une circularisation de CAC, les fournisseurs sont contactés par le biais d’un courrier qu’il fait imprimer par l’entreprise mandante. Les démarches s’arrêtent souvent après une ou deux relances. Les fournisseurs leur répondant peu fréquemment, il n’est pas rare que le CAC lance des procédures alternatives d’audit en parallèle de l’envoi des premiers courriers. La recherche de passifs non identifiés peut ainsi lui permettre de vérifier l’exhaustivité des dettes comptabilisées sur la période considérée en épluchant les relevés bancaires et les sorties de cash de la période suivante.

Les tech-enabled services préfèrent un premier contact téléphonique, permettant d’identifier au sein de l’équipe comptable du fournisseur la personne en charge du dossier de leur client. Les équipes de Runview se servent de ce premier échange pour expliciter la démarche de circularisation et rassurer le fournisseur. Un mail lui est également transmis avec le mandat de l’entreprise auditée. Une relance est ensuite effectuée tous les dix jours, par mail et par téléphone. Cette méthode, couplée à l’expertise et au savoir-faire des consultants, permet d’obtenir un taux de retour de plus de 80 %.

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Côté analyse, le CAC cherche à vérifier si le solde au 31 décembre transmis par le fournisseur cadre avec celui indiqué dans la comptabilité de l’entreprise auditée. Si ce n’est pas le cas, il peut mener des investigations supplémentaires pour comprendre l’écart. Il travaille cependant toujours en fonction des seuils de signification. Toutes les anomalies ne sont pas susceptibles d’influencer son jugement sur les comptes. De leur côté, les spécialistes du Profit Recovery récupèrent l’extrait du compte client de l’entreprise chez son fournisseur et comparent ces données avec celles de la comptabilité de l’entreprise, décortiquant les lettrages et analysant chaque écart. Ainsi, ils retrouvent des avoirs non-transmis ou mal comptabilisés, des factures finales payées sans tenir compte de factures précédentes, ou encore d’autres payées en double. Ces anomalies comptables peuvent cumuler jusqu’à plusieurs millions d’euros. Leur analyse remonte généralement sur 5 exercices en arrière, la prescription commerciale étant de 5 ans.

Plusieurs impacts à distinguer

Les implications des circularisations menées par les CAC ou par les tech-enabled services ne sont pas les mêmes.

Si le CAC constate un écart, cela peut, s’il est jugé significatif, l’inciter à mener d’autres contrôles. Il peut éventuellement assortir son avis de réserves, voire remettre en cause la certification des comptes si l’anomalie est de nature à le faire douter de leur sincérité et de leur réalité. Lorsque les spécialistes du Profit Recovery détectent une anomalie, ils engagent la discussion avec le fournisseur pour définir les modalités de régularisation de cette dernière. Une fois l’accord trouvé, ils récupèrent les pièces comptables permettant par exemple d’attester du virement ou de l’avoir à déduire sur un prochain règlement et les transmettent à l’entreprise cliente. Pour elle, cela se traduit par la récupération de montants qui peuvent être conséquents. Un client de Runview a ainsi récupéré plus de 4,8 millions d’euros grâce à la circularisation.

Les équipes internes ne fournissent pas non plus le même travail selon le type de circularisation. De manière générale, les CAC s’appuient beaucoup sur l’entreprise auditée pour mener à bien leurs procédures. Les équipes des tech-enabled services travaillent au contraire en autonomie à partir des données comptables de leur client, qu’elles sollicitent uniquement pour valider la liste des fournisseurs à circulariser et confirmer le bon remboursement des montants identifiés.

Enfin, le fournisseur n’a qu’un intérêt indirect à la circularisation menée par les CAC : celui de disposer, grâce à la certification de ce dernier, d’informations comptables et financières fiables sur son client.

La démarche menée par les tech-enabled services peut au contraire lui être directement profitable en lui apportant des réponses et des informations précieuses pour remettre sa comptabilité d’équerre. Couplée à la diplomatie dont font preuve les équipes de circularisation, cette démarche représente un réel atout dans la construction d’une relation fournisseurs de confiance.


Des approches utiles, chacune dans leur domaine

La comparaison des objectifs, des méthodes et des impacts des circularisations menées par les CAC ou par les tech-enabled services montre bien qu’il s’agit d’approches bien distinctes.

La première s’inscrit dans le cadre d’une obligation légale pour les entreprises de faire certifier leurs comptes et constitue une technique parmi d’autres utilisée pour vérifier l’exactitude de leur comptabilité. La seconde est une démarche volontaire de l’entreprise, visant en premier lieu à lui faire récupérer de l’argent.

L’une n’empêche donc pas l’autre. Au contraire, les commissaires aux comptes peuvent être sensibles au gage de sérieux que représente, pour une entreprise, le fait de soumettre sa comptabilité à l’analyse d’une tech-enabled service. L’esprit de ces deux approches est en tout cas différent. Si les commissaires aux comptes sont tenus par une obligation de moyens dans le cadre de leur mission de certification, les experts du Profit Recovery sont eux soucieux des résultats de la circularisation.

 

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A propos de l'auteur

Bertrand Dargaisse
Bertrand Dargaisse

Directeur Recouvrement et Circularisation

Après un Cursus Universitaire en Sciences Economiques et Gestion des Entreprises et plus de 15 ans d’expérience en Credit Management et Recouvrement, Bertrand rejoint Runview en 2017 pour prendre la tête des équipes Recouvrement et Circularisation. Goût du challenge et satisfaction client sont ses maîtres mots pour traiter les données comptables, identifier les anomalies et récupérer les trop payés en faveur de nos clients.
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