Nouveau facteur de mutation de la fonction comptable, la robotisation se déploie aujourd’hui dans les CSP. Son principe ? Automatiser l’exécution de tâches répétitives pour accélérer les processus, et faire gagner du temps aux équipes comptables. Rapprochement des factures et des comptes bancaires, préparation des déclarations de TVA… les robots sont déjà au travail dans de nombreuses entreprises. Ils devraient y prendre de plus en plus de place. La mise en œuvre de solutions d’automatisation suppose toutefois du temps et des moyens, et n’est donc intéressante qu’à certaines conditions.
Depuis plusieurs années, pour les fonctions comptables, le changement c’est un peu tout le temps. Alors que la dématérialisation conduit à l’informatisation de nombreux processus, la robotisation ou RPA (Robotic Process Automation), dernier levier de transformation en date, s’attaque aux tâches encore effectuées manuellement. Elle repose sur l’automatisation de certains processus à travers des outils permettant de faire réaliser par un robot des tâches répétitives et à faible valeur ajoutée.
Des CSP très enclins à la robotisation
La robotisation répond à un double objectif. « Les entreprises souhaitent dégager du temps pour les équipes comptables afin qu’elles apportent leur expertise et leur expérience pour analyser les données, plutôt que les compiler et les saisir. Mais elles sont également soucieuses d’avoir un système très sécurisé, qui puisse être audité », expose Isabelle Moreau, directrice commerciale de Blue Prism France, fournisseur de solutions de RPA.
La comptabilité implique de nombreuses tâches de saisie et de rapprochement, généralement fastidieuses et répétitives, et donc intéressantes à automatiser. A l’heure où les directions comptables cherchent à rationaliser leurs processus et réduire leurs coûts, la RPA apparaît comme une opportunité.
Cela est d’autant plus vrai dans les Centres de Services Partagés (CSP) des grands groupes, qui doivent être porteurs de valeur ajoutée pour les entités pour lesquelles ils travaillent. « Tous les CSP utilisent des robots », confirme Isabelle Moreau. « Confier un service à un CSP suppose d’être capable de le décrire très précisément. Les CSP sont donc dans une situation très propice à l’automatisation », complète-t-elle.
De nombreuses applications
Selon une récente étude réalisée par Mazars auprès d’entreprises françaises, un tiers des directions financières interrogées ont déjà testé une solution de RPA. C’est d’autant plus vrai au sein des CSP, car les automates sont à même de prendre en charge de nombreux processus intervenant dans la consolidation, la réconciliation et la justification des comptes.
Ils effectuent pour cela les mêmes tâches qu’un comptable : ouvrir un logiciel, lire et extraire des données, effectuer des requêtes sur différents systèmes d’information, intégrer des données à l’ERP, contrôler ces données ou générer des rapports par exemple.
Chez Engie, l’automatisation est opérationnelle depuis plusieurs années. Elle a d’abord porté sur les déclarations de TVA et sur la réconciliation des comptes bancaires. De son côté, EDF teste également une solution pour répondre aux demandes fournisseurs. Mais les robots peuvent aussi prendre en charge l’analyse de factures non structurées et les « convertir » en document que l’ERP peut traiter.
Les robots interagissent avec les équipes, la RPA n’est donc pas synonyme de perte de maîtrise. « Lorsque l’automate prépare les déclarations de TVA, il compile les chiffres comme le faisaient auparavant les équipes comptables mais il y a toujours une étape de validation par le responsable de la TVA », explique Isabelle Moreau.
Du temps et des moyens nécessaires
Cependant, toutes les tâches ne sont pas susceptibles d’être robotisées. L’automatisation est possible lorsque les processus sont standardisés. « Il faut viser les mécanismes qu’on est capable de décrire logiquement », souligne Isabelle Moreau. La première étape pour développer une solution de RPA consiste ainsi à décrire puis représenter les différentes tâches d’un processus, à travers un schéma organisationnel.
Exemple de logigramme décrivant la logique d’un processus comptable
Cela demande du temps – en moyenne 4 mois pour le développement d’un premier automate – et des moyens, donc un réel engagement de la direction comptable. Outre les dépenses de conseil et les coûts d’infrastructures, il faut également prendre en compte le coût de la licence du robot-logiciel.
Cet investissement doit permettre d’observer une réelle accélération des processus et dégager un temps non négligeable pour les équipes en place. « Selon nous, s’il n’y a pas de ROI dans l’année, c’est que ce n’est pas un processus candidat à un projet d’automatisation », affirme la directrice commerciale.
L’un de ses clients a ainsi pu le constater en automatisant une opération de contrôle qui auparavant, mobilisait 2 personnes à temps plein pendant deux mois, et ce deux fois par an. Aujourd’hui, l’automate effectue ce contrôle en moins d’une journée.
Les conditions du ROI
Le projet doit porter sur des processus importants en volume. Pourtant, pour les entreprises, il peut être tentant de le tester d’abord pour des opérations qui ont un impact moindre, ou qui sont effectuées de manière ponctuelle. Mais le ROI risque alors de ne pas être au rendez-vous.
Il faut aussi vérifier que l’entreprise est en mesure de faire évoluer l’automate en fonction de ses propres transformations - intégration de nouvelles normes ou changements informatiques par exemple.
Enfin, la RPA pose la question de la capacité des entreprises à valoriser le temps dégagé pour les équipes comptables. Le métier de collaborateur comptable se transforme : il évolue d’un travail de compilation de données vers un travail d’analyse, de conseil, de contrôle et de maîtrise des risques. Un projet de RPA implique de la part du CSP un accompagnement des collaborateurs, un effort de pédagogie voire des formations afin que la transition s’opère et que chacun puisse en tirer bénéfice.
Des solutions en plein essor
Selon Gartner, les dépenses mondiales en logiciel de RPA ont atteint 2,8 milliards de dollars en 2022, contre 2,3 milliards en 2021. L’automatisation va se poursuivre et toucher des processus de plus en plus complexes.
Déjà, les robots apprennent. Dans certains cas le machine learning est utilisé pour lire ou traduire certains fichiers, et reconnaître que des documents sont des factures alors qu’ils n’en comportent pas certaines mentions habituelles.
L’éventuelle prudence des directions comptables montre que face aux changements qu’implique la robotisation, les entreprises ont besoin de se rassurer. Il s’agit pour elles de s’assurer de la maîtrise de leurs processus et du maintien d’un niveau de sécurité et de fiabilité suffisant. Pour le vérifier, elles peuvent aujourd’hui s’appuyer sur des solutions d’analyses permettant un contrôle exhaustif de leurs données comptables.